Questions-réponses

La qualité de l’air est-elle bonne en Bretagne ? Les pics de pollution de l’air sont-ils principalement liés à l’agriculture ? Qu’est-ce que l’ammoniac ?… Ce questions/réponses a pour objectif de répondre aux principales questions pouvant se poser sur la qualité de l’air en Bretagne. Si la qualité de l’air est impactée par de nombreux paramètres et secteurs d’activités, les informations apportées ici se concentrent plus particulièrement sur l’ammoniac d’origine agricole, au cœur du projet ABAA.

Agriculture & qualité de l’air : Parlons en !

La qualité de l’air est caractérisée par la surveillance de cinq polluants réglementés : le dioxyde d’azote, l’ozone, les particules fines PM10 et PM2.5 et le dioxyde de soufre. L’observation quotidienne dans notre région, par l’association Air Breizh, montre que globalement, la qualité de l’air est qualifiée de “moyenne” au regard des seuils définis nationalement pour l’indice Atmo. Il existe néanmoins d’autres polluants qui ne sont pas pris en compte par cet indice et qui peuvent altérer ou dégrader la qualité de l’air localement. Malgré une amélioration de la situation au cours des dernières décennies en Bretagne comme en France, les concentrations de particules fines dépassent régulièrement les normes européennes dans plusieurs agglomérations françaises.

De nombreuses actions sont mises en place pour améliorer la qualité de l’air dans notre région. Le projet ABAA, présenté ici, vise à réduire les émissions d’ammoniac d’origine agricole, contribuant avec d’autres composés à la formation de particules fines.

L’ammoniac (NH3) est un composé gazeux. Il est notamment émis par l’activité humaine et majoritairement par l’agriculture (engrais azotés, élevages). 

L’ammoniac seul n’est pas toxique dans l’air ambiant mais il peut l’être à de fortes concentrations, dans les bâtiments d’élevage par exemple si les conditions de ventilation ne sont pas adaptées. Si les éleveurs peuvent être exposés, ce n’est pas le cas des riverains. D’autres sources peuvent également contribuer aux émissions d’ammoniac telles que le secteur industriel, le traitement des déchets et des eaux usées, la combustion de biomasse (chauffage domestique au bois) ou le transport routier (utilisation de pots catalytiques). Cependant, en Bretagne, le secteur de l’agriculture émet 99% (ISEA, v5 2020, Air Breizh) des émissions d’ammoniac. 

L’ammoniac est une forme gazeuse de l’azote, qui est un nutriment indispensable à la croissance des cultures. Il est apporté aux plantes en grande partie sous forme de fumiers, lisiers ou engrais de synthèse.

Les émissions d’ammoniac sont donc une perte pour les agriculteurs à la fois sur le plan économique et pour le bon développement des plantes. Le projet ABAA mené en partenariat entre les Chambres d’agriculture de Bretagne et Air Breizh cherche à mesurer et à mettre en place des solutions à la fois économiquement intéressantes et performantes pour la qualité de l’air. L’un des objectifs du projet est de chercher à maintenir la valeur fertilisante des fumiers et lisiers en limitant à la fois les pertes par les émissions d’ammoniac et le recours aux engrais chimiques.

Les agriculteurs doivent respecter un calendrier d’épandage, règlementation qui définit les périodes autorisées pour épandre du fumier, lisier ou engrais de synthèse. Elles tiennent compte des besoins des cultures mais aussi des risques de pollution de l’eau par les nitrates. L’hiver, par exemple, les températures basses et les jours plus courts freinent la croissance des plantes, les pluies plus importantes augmentent les risques de fuites de nitrates vers les cours d’eau. Les épandages se concentrent donc au printemps pour satisfaire ces conditions. Aujourd’hui la réglementation ne prend pas en compte les risques pour la qualité de l’air.

L’ammoniac est un précurseur de particules fines. En effet, en se combinant avec d’autres polluants de l’air comme les oxydes d’azote (NOx), liés principalement au trafic routier, ou au dioxyde de soufre (SO2) de source industrielle, l’ammoniac participe à la formation de particules fines. Les particules fines dégradent la qualité de l’air et leurs effets sur la santé sont aujourd’hui avérés.

Les particules fines sont un mélange de composés solides et/ou liquides, en suspension dans l’air. Ces polluants sont parfois désignés sous le nom d’aérosols. 

L’ensemble des particules fines dont le diamètre est inférieur à 10 microns (1 micron = 1 millionième de mètre) sont appelées PM10. Les PM2.5 désignent les particules dont le diamètre est inférieur à 2,5 microns. Celles-ci sont donc comprises dans les PM10.  

 On distingue deux catégories de particules :

  • Les particules primaires émises directement dans l’atmosphère par différents mécanismes qu’ils soient naturels ou non (dispersion par le vent, combustion tels que les feux de forêts, usure de matériaux tels que les pneus, les revêtements des routes…),
  • Les particules secondaires formées dans l’atmosphère par des réactions physico-chimiques à partir de composés gazeux tels que le dioxyde de soufre (SO2) émis principalement par les industries, les oxydes d’azote (NOx) émis principalement par le trafic routier, l’ammoniac (NH3) émis principalement par l’agriculture, les composés organiques volatils (COV) de sources très diverses. 

La composition des particules varie selon la source d’émission, par exemple :

  • Combustion (trafic routier, biomasse…)
  • Sources naturelles (pollens, sels marins, poussières minérales…)
  • Composés métalliques (fer de l’érosion du sol, plomb émis par le transport…)

Des analyses peuvent être réalisées pour déterminer les concentrations des espèces chimiques majoritaires des particules fines. Ces analyses permettent d’avoir une information sur la source des particules prélevées

Cette information n’est pas disponible sur l’ensemble du territoire breton. Cependant, l’analyse des concentrations des espèces majoritaires des PM2.5 est mesurée à la station de Kergoff (Merléac) depuis 2019. Ces mesures sont représentatives de la pollution en zone rurale de fond. 

Les émissions correspondent à la quantité de polluants rejetés dans l’atmosphère par les activités humaines ou par des sources naturelles, sur un territoire donné (au niveau d’une commune par exemple). Les émissions sont exprimées en tonnes par an (t/an). 

En revanche, les concentrations correspondent à la quantité de polluants par volume d’air et sont exprimées en microgramme par mètre cube (µg/m3). Ce sont les concentrations de polluants qui caractérisent la qualité de l’air que l’on respire.  Elles résultent de la dispersion des émissions, qui est influencée par : 

  • Les conditions météorologiques
  • La distance des sources de pollution
  • La topographie
  • L’arrivée de masses d’air polluées venant d’autres régions
  • Les réactions chimiques de l’atmosphère

Les émissions d’ammoniac ne sont pas déterminées par des appareils de mesures mais sont estimées pour une année par des calculs. C’est ce qu’on appelle l’inventaire des émissions atmosphériques.

Ce calcul est confié par l’Etat à Air Breizh pour la région Bretagne. Il est réalisé en associant des facteurs d’émissions (1 vache = x kg d’ammoniac émis en bâtiments, par exemple) à des données d’enquêtes et des données statistiques mais ce ne sont pas des mesures en temps réel. Un des objectifs du projet ABAA est d’affiner le calcul des émissions pour se rapprocher au plus près de la réalité des pratiques agricoles.

Par ailleurs, il n’existe pas à ce jour de base de données sur les équipements permettant de réduire les émissions d’ammoniac, en bâtiment, au stockage ou à l’épandage, dans le recensement agricole. De plus en plus d’agriculteurs utilisent par exemple des pendillards ou du matériel d’enfouissement de lisier et de fumier qui peuvent diminuer la volatilisation de l’ammoniac dans l’air de l’ordre de 30 à 90% lors d’un épandage.
Actuellement, l’usage de ces pratiques est insuffisamment pris en compte dans les calculs de l’inventaire des émissions atmosphériques, faute de statistiques, alors que cela a un réel impact positif sur la qualité de l’air. Les calculs sont basés essentiellement sur le nombre d’animaux et les volumes d’engrais achetés.

Un des objectifs du projet ABAA est de mieux prendre en compte les équipements et les nouvelles pratiques agricoles dans les calculs de l’inventaire des émissions.

La directive 2016/2284/UE, faisant suite à la révision du Protocole de Göteborg (2012) concernant la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques, a défini des plafonds d’émission pour chaque état membre. Les objectifs fixés pour la France à l’horizon 2030 sont de réduire les émissions d’ammoniac de 13% par rapport à celles de 2005. Ces plafonds ont été inclus au niveau national dans le Plan National de Réduction des Emissions de Polluants Atmosphériques (PREPA) adopté par le gouvernement français en 2017. Un objectif intermédiaire a été ajouté dans le PREPA pour 2025, de -8%. Pour rappel, la Bretagne émet 18% des émissions nationales d’ammoniac en 2020 (ISEA v5, Air Breizh et CITEPA avril 2020 – Format SECTEN).

Aujourd’hui il n’y a aucune obligation de mesurer les concentrations d’ammoniac dans l’air ambiant puisqu’il n’est pas problématique dans ce contexte et donc non réglementé. Néanmoins, des mesures ponctuelles ont déjà été réalisées en Bretagne par Air Breizh.

Dans le cadre du projet ABAA, Air Breizh va installer 3 stations de mesures en continu d’ammoniac et de particules fines sur le territoire pilote (secteur de Brest). Les résultats seront mis en perspective avec les pratiques des agriculteurs, les conditions météo, etc.

Les pics de pollution sont liés à la fois aux conditions météo et à des plus fortes émissions liées à des activités saisonnières. Quand les conditions météos sont anticycloniques, les polluants ne se dispersent pas, les concentrations augmentent et dépassent alors les seuils réglementaires : on subit alors un pic de pollution. En période hivernale, les pics de pollution sont liés principalement au chauffage résidentiel. L’été, le problème le plus fréquent est la pollution à l’ozone qui se forme lorsque l’ensoleillement est fort.

En Bretagne, au printemps, les agriculteurs épandent tous à la même période, car l’azote, qui est un des composés de l’ammoniac, est indispensable à ce stade de la culture au bon développement des plantes. De plus, le calendrier d’interdiction d’épandage mis en place pour la réduction de la pollution des eaux par les nitrates oblige les agriculteurs à concentrer les épandages sur un nombre de jours restreints au printemps. Pour cette raison, des pics de concentrations d’ammoniac pouvant contribuer au dépassement des seuils de particules fines peuvent être observés à cette période si les conditions météo sont durablement anticycloniques. Communément, on observe des pics de pollution en Bretagne au printemps mais parfois, comme en 2021, grâce aux conditions météo, aucun épisode régional n’a été observé alors que les épandages ont bien eu lieu.

Ces émissions d’ammoniac concernent tous les agriculteurs quel que soit le type d’élevage y compris en agriculture biologique.

En s’intéressant à la question des nitrates depuis près de 30 ans, l’agriculture bretonne a également engagé des actions favorables à la qualité de l’air : raisonnement et optimisation de la fertilisation azotée (engrais, fumiers et lisiers), déploiement de nouveaux matériels pour l’épandage (enfouissement, pendillards, injection…), mise aux normes des bâtiments d’élevage, ajustement de l’alimentation au plus près des besoins des animaux…

Les Chambres d’agriculture de Bretagne ont également déployé des actions de recherche et de développement spécifiques aux émissions gazeuses, en améliorant les connaissances sur les facteurs d’émissions au bâtiment et au champ (ELFE, EvaPRO…), en mettant au point des techniques de gestion des déjections au bâtiment (raclage en V) et de traitement de l’air (lavage et filtration) et en diffusant ces résultats à l’ensemble des agriculteurs.

Actuellement, certains équipements peuvent bénéficier d’aides à l’investissement de la Région Bretagne ou de l’Etat et de l’Union Européenne (sous conditions) comme la couverture des fosses à lisier, les dispositifs de traitement de l’air, les injecteurs ou enfouisseurs et les rampes à pendillards ou à patins.

Fin 2021, les Chambres d’agriculture de Bretagne en partenariat avec Air Breizh, lancent le projet innovant ABAA soutenu financièrement par l’Europe. Ce projet, d’une durée de 4 ans, répond à une volonté de travailler ensemble sur la réduction des émissions d’ammoniac pour améliorer la qualité de l’air. Le projet ABAA s’appuie sur un groupe d’agriculteurs pionniers du territoire de Brest-Pays d’Iroise pour construire des méthodes et des outils efficaces moins émissifs en ammoniac. De nouveaux groupes de travail seront ensuite constitués sur d’autres territoires bretons pour valider les méthodes préconisées.

Le projet va permettre d’avoir de nouvelles données et de nouvelles analyses : mesures en continu de l’ammoniac dans l’air ambiant, modélisation et prévision de la qualité de l’air, niveau réel d’équipement des exploitations agricoles, nouvel outil d’alerte et d’aide à la décision, impacts des bonnes pratiques sur les résultats économiques et l’organisation du travail…

L’autre innovation importante est l’échelle de travail : en se concentrant sur un territoire pilote, on s’approche au plus près des problématiques réelles de terrains, on peut avancer dans le cadre d’un collectif en impliquant l’ensemble des acteurs concernés (agriculteurs, Cuma, ETA, constructeurs de matériels…). Cela permettra aussi de mieux comprendre et de mieux s’approprier les liens entre les pratiques mises en œuvre et la qualité de l’air mesurée.

A titre individuel, les bons réflexes à adopter concernent principalement le chauffage des logements et les déplacements.

S’agissant du chauffage au bois, il est ainsi recommandé d’installer des appareils performants et en particulier d’éviter l’utilisation, en chauffage d’agrément, des cheminées à foyers ouverts ou des poêles et inserts anciens. D’une manière générale, il convient de modérer la température de chauffage.

En ce qui concerne les déplacements, il faut éviter l’utilisation de la voiture thermique en solo en recourant aux transports en commun et au covoiturage ainsi qu’aux mobilités douces (vélo, marche, …).

Enfin, le brûlage à l’air libre des déchets verts est interdit. Ils peuvent être valorisés dans le jardin (compostage, paillage) ou apportés en déchèterie.

Par ailleurs, pour réduire sa propre exposition aux polluants atmosphériques, chacun doit veiller à la qualité de l’air à l’intérieur de son domicile. En effet, les sources de pollution dans les logements sont nombreuses : tabagisme, moisissures, matériaux de construction, meubles, acariens, produits d’entretien, peintures… C’est ce que l’on appelle la pollution de l’air intérieur. Si votre logement n’est pas suffisamment aéré, les polluants s’accumulent, en particulier l’hiver, lorsque l’on ouvre moins les fenêtres. Cette pollution peut avoir des effets sur la santé : allergies, irritations des voies respiratoires, maux de tête voire intoxications.